Internet et les marchands de lessive


Internet, ils n'y connaissent rien. Leur culture, c'est les lessives, les couches-culottes ou les yaourts. Leur boulimie de profits les pousse à montrer leur vrai visage. Leur arme: la publicité. Enlevez-leur la publicité et leur empire s'écroule!

Leur credo: matraquer et récolter ce qui tombe au sol. Dans leurs écoles de marketing, on leur fait faire des travaux pratiques: "Pressez un citron, il donne du jus. Quand vous voyez que le jus se tarit, pressez encore, vous verrez qu'il en reste".

La publicité, c'est le presse-citron. Le citron, c'est nous.

Pour exercer leur business, ils ont besoin des media. De media puissants et obéissants. Pour que ce soit plus commode, ils achètent des journaux, voire des groupes de presse tout entiers, ou des chaînes de télévision. La télévision devient un rouage du presse-citron.

Mais voila que les ennuis commencent! Avec Internet, les gens sont devant l'écran de leur ordinateur, donc (puissante déduction) ils ne sont plus devant l'écran de la télévision. Et ne reçoivent plus la publicité. Enfer et damnation! Comment corriger ce grave problème?

Ils ont trouvé: faire de la publicité sur Internet, et fusionner Internet avec la télé, comme ça, le téléspectateur revient bien sagement devant le bon écran. Et ça donne ce qui va suivre...

Pour vendre 400 millions de boîtes de lessive, nous sommes forcés de toucher le consommateur avec plusieurs messages en une année. Le seul moyen d'atteindre cet impact, c'est par la télévision de grande audience. Les changements d'horaires, le zapping, les jeux vidéo, les CD-ROM, les programmes payants et l'accès à Internet représentent un obstacle sans précédent qui nous empêche de plus en plus de solliciter nos clients par nos messages publicitaires, et surtout de les toucher avec fréquence et la régularité requises pour établir leur fidélité à nos marques

Nous, c'est-à-dire l'industrie de la publicité, nous sommes emparés du contrôle de notre environnement. Nous avons ensuite créé la programmation. Nous avons façonné l'environnement pour qu'il réponde à nos besoins. ll n'était plus question de nous adresser uniquement à des journaux et des magazines que les gens achetaient pour les lire quotidiennement. Le nouvel objectif, c'était de susciter la fidélité de l'auditeur aux programmes que nous finançions. Nous avons inventé des feuilletons, des comédies, des émissions de variétés et des séries policières. Nous avons réussi à transformer en institution familiale les soirées radiophoniques du dimanche.

A nous de nous emparer à nouveau des réseaux électroniques et de forcer Internet à travailler dans notre intérêt. Maintenant, nous nous heurtons à la concurrence. Elle ne viendra pas seulement des médias traditionnels sponsorisés par la publicité, mais aussi des programmes indépendants -spectacles, loisirs, informations- qui vont représenter une source de profit radicalement différente pour les prestataires de contenu. Le danger est réel. Car ces nouveaux fournisseurs de médias ont l'intention d'offrir aux consommateurs ce qu'ils désirent, au tarif que ces derniers voudront bien acquitter. Donc, si les prix des services prennent la place des revenus publicitaires, nous aurons là un grave problème.

Si la profession procède comme elle l'a déjà fait, cette menace, réduite à néant, va devenir une formidable occasion de réaliser des bénéfices. Pensez à toutes ces nouvelles circonstances favorables. Nous pourrons utiliser l'interactivité pour faire participer le consommateur à nos publicités. Nous pourrons susciter des réactions immédiates. Si une consommatrice désire savoir quel vernis à ongles marque Cover Girl est assorti au rouge à lèvres qu'elle a vu dans notre annonce, nous lui répondrons sur-le-champ. Une famille vient-elle d'avoir une naissance ? Nous lui montrerons une publicité vantant les mérites des Pampers. Si notre travail est bien fait, les gens seront vissés à leurs sièges, devant leurs ordinateurs, au moment de la pub.

Propos de M. Edwin Artzt, Président de Procter & Gamble
(budget publicité: 3 milliards de dollars).

IM4U permettra à une chaîne de télévision d'avoir directement accès aux ordinateurs de ses téléspectateurs, pour leur fournir des informations et des services supplémentaires en relation directe avec ses émissions. Le but est de ramener ces cybernautes devant leur poste de télévision, qu'ils ont tendance à délaisser. Pour profiter pleinement de IM4U, il faudra placer les deux appareils côte à côte et regarder les deux écrans, tour à tour ou simultanément.

La chaine le télévision diffusera au moment voulu, au milieu de ses programmes, des instructions informatiques, sous forme de messages sonores de quelques secondes. Ainsi, au cours d'un match de football, le spectateur verra apparaître instantanément sur son second écran une fiche technique sur le joueur qui vient de marquer un but. Ou encore, il pourra s'adonner à un jeu télévisé en même temps que les candidats sur le plateau.

IM4U permet aussi d'acheminer des informations sur mesure à l'intention des utilisateurs qui auront personnalisé leur logiciel-client, en remplissant un questionnaire détaillé : âge, sexe, revenus, profession, centres d'intérêt, etc. La télévision pourra également ordonner à l'ordinateur de lancer le logiciel Netscape Navigator, qui servira d'interface pour afficher des dossiers et des images pendant des émissions d'actualité ou proposer des offres spéciales lors d'opérations de télé-achat. Elle pourra même activer directement la connexion Internet de l'ordinateur et piloter le Navigator vers les sites Web de son(*) choix.

Communiqué de Interactive TV Entertainment, conceptrice de IM4U

(*) "son" = "La télévision", pas l'utilisateur!

Un service en-ligne a développé un nouveau type de bannière publicitaire, apparaissant dans des fenêtres flottantes, toujours visibles de l'utilisateur. Ce système pourrait s'appliquer au Web, et ouvrir de nouvelles sources de revenus aux fournisseurs d'accès.

Cela s'appelle un "plug-out," sorte d'application symbiotique avec le navigateur. Développé en partenariat avec Netscape, ce panneau publicitaire d'un nouveau type s'installe sur votre écran, à l'extérieur des fenêtres du navigateur.

Les publicités sont cachées localement pour épargner la bande-passante, et renouvellées toutes les 15 minutes. L'utilisateur peut déplacer le panneau publicitaire mais ne peut pas l'éliminer de l'écran ou le cacher derrière une autre application. Il flotte au-dessus de toutes les autres fenêtres.

Le logiciel échange en permanence avec le serveur un témoin de présence ("heartbeat") crypté en triple-DES. Si l'utilisateur tente d'effacer la publicité ou de simuler ce témoin, la connexion est coupée.

Ces panneaux publicitaires peuvent être personnalisés. Ils peuvent viser une région, une profession, une zone donnée du Web. Cliquer sur le panneau peut soit appeller un url soit lancer une application.

Ecoutons Jean-Louis Ecochard, chef de développement: "Un plug-in n'est actif que lorsque vous chargez un contenu MIME du type correspondant au plug-in. Le plug-out, lui, est toujours là devant vous, quel que soit le serveur Web que vous consultez. Vous pouvez l'éloigner de votre navigateur et le mettre plus loin, mais il est toujours là".

Traduit de "New In-Your-Face Ad Banner "Floats" Atop Windows by James Glave, Wired.


[Retour à l'index] [Ecrire à l'auteur]